Economie du troisième Reich : un redressement économique en trompe l’œil ?

Quand on pense à l’Allemagne Nazi, l’économie n’est pas vraiment le premier sujet qui vient en tête. Pourtant, lorsqu’il arrive au pouvoir en 1933, Hitler est conscient que la guerre qu’il prépare nécessitera des ressources importantes et de l’argent. Or, lors de son arrivée à la chancellerie le 30 janvier 1933, l’Allemagne est exsangue. En effet, suite à la crise économique engendrée par la crise financière de 1929 (Vidéo sur la crise de 1929), l’économie allemande est plongée en pleine récession et le pays est lourdement endetté. Les politiques menées par les partis au pouvoir échouent et près de six millions d’allemands sont alors au chômage. Cette crise sociale et économique provoque d’’importantes répercussions politiques avec la montée en puissance de deux partis : le KPD (communiste) et le parti national-socialiste (nazi). C’est finalement ce-dernier qui va arriver au pouvoir en 1933 et lancera l’Allemagne sur le chemin de la guerre.

Un problème épineux à régler en priorité

Dès son arrivée au pouvoir, Hitler annonce clairement sa volonté de revanche pour venger le diktat du Traité de Versailles. Pour cela, il a besoin de relancer une économie dont la production et le commerce extérieurs sont en berne. De plus, le futur effort de guerre va également nécessiter des quantités importantes d’acier, de pétrole ou encore de caoutchouc. Tout cela nécessitera des investissements importants et donc, de l’argent.

Pour cela, Hitler a besoin du soutien des grands industriels. Néanmoins, un obstacle se dresse alors sur son chemin : la SA. Cette milice puissante, qui comptait près de 400 000 membres en janvier 1932, inquiète les dirigeants des grandes entreprises. Il faut dire que les déclarations ouvertement anticapitalistes de leur chef, Ernst Röhm, ne sont pas faite pour les rassurer. Ainsi, le 18 avril 1934, ce-dernier déclarera devant le corps diplomatique à Berlin : « Nous n’avons pas fait une révolution nationale, mais une révolution nationale-socialiste, et nous insistons sur le mot « socialiste ». […] Le combattant en chemise brune a, depuis le premier jour, marché sur la route qui mène à la révolution. Et de cette route, il ne s’écartera pas d’une semelle. »

D’un autre côté, les méthodes brutales des SA et la volonté de Röhm de prendre le contrôle de l’armée inquiète également les milieux conservateurs et de nombreux cadres du NSDAP (le nom officiel du parti nazi). Sous prétexte de complot, Hitler décide finalement de se séparer de son ancien camarade et fait exécuter la plupart des chefs SA lors de « la nuit des longs couteaux ». L’opération menée par les SS permettra également à Hitler d’éliminer certains adversaires politiques tel que Gregor Strasser et le Dr. Klausener. Röhm de son côté, est arrêté puis sera assassiné le 1er juillet 1934 par Theodor Eicke, futur commandant du camp de concentration de Dachau.

Les réponses apportées à la crise

En 1933, le banquier et économiste Hjalmar Schacht est nommé à la tête de la Reichsbank, la banque centrale allemande. À l’été 1934, il devient même ministre de l’économie. Les réserves monétaires du pays sont alors quasiment inexistantes et le gouvernement ne peut pas se permettre de laisser filer l’inflation, le traumatisme des années 1920 étant trop récent. Schacht décide donc de prendre des mesures pour limiter la fuite des capitaux et s’appuie partiellement sur le travail de l’ancien ministre des finances, Heinrich Brüning. Ainsi, le contrôle des changes est renforcé (l’achat de devises est soumis à des restrictions) et l’Allemagne conclut des accords de clearing* avec de nombreux pays européens et sud-américains. Ces accords prévoient notamment que toute importation en provenance de ces pays doit être compensée par des exportations équivalentes.

D’un autre côté, une importante politique industrielle est mise en œuvre avec notamment le lancement d’une politique de grands travaux menée afin de moderniser les infrastructures du pays. L’aspect le plus connu de cette politique est alors la création de nouvelles autoroutes. Néanmoins, si la propagande nazie mettra en avant la clairvoyance d’Hitler, la réalité était toute autre. En effet, le plan prévoyant la création de 22 000 km d’autoroutes datait des années 1920 alors que de leur côté, les nazis s’étaient opposés aux autoroutes avant d’arriver au pouvoir. En parallèle, des ponts, des canaux et de nombreux logements sont construits et permettent une diminution impressionnante du nombre de chômeurs qui passe de 6 à 1,5 millions entre 1932 et 1936.

Enfin, Schacht va mettre en place un système ingénieux permettant de relancer les différents secteurs stratégiques de l’industrie allemande : la création de bons Mefo (Metallurgische Forschungsgesellschaft). Ces titres, garantis par le gouvernement, vont permettre au Reich de payer les entreprises qui pourront elles-mêmes payer leurs fournisseurs. Ce mécanisme ingénieux qui se base sur une sorte de monnaie parallèle (en réalité, une reconnaissance de dette) évite à l’Allemagne de passer par le marché des changes. De plus, il permet au Reich de rester discret sur ses efforts de réarmement et éviter un dérapage de l’inflation.

* accord entre deux états qui leur permet d’échanger des biens et services sans échanger de devises

Les résultats à la veille de la guerre

Si l’économie allemande est fortement contrôlée par l’Etat, les grands industriels y occupent toujours une place importante. Ainsi, si les nazis ont encouragé la concentration des entreprises et la création de cartels (contrôlés par l’Etat grâce à la loi du 15 juillet 1933), d’autres mesures ont été très favorablement accueillies par le patronat comme l’interdiction du droit de grève et la suppression des syndicats.

Pour les classes moyennes, le bilan est assez mitigé. En effet, si le chômage a quasiment disparu en 1939, les salaires des ouvriers et des employés connaissent également une lente diminution. De plus, si des publicités vantent la « voiture du peuple » de Volkswagen qui représente la réussite économique du régime, peu d’allemands en possèdent réellement en 1939. D’un autre côté, les agriculteurs subissent toujours la concurrence des produits importés malgré les mesures protectionnistes prises par le Reich. De plus, la politique des « domaines héréditaires » qui est sensé protéger la propriété paysanne ne suffit pas à stopper l’exode rural que connait l’Allemagne.

Enfin, d’un point de vue plus politique, un changement important est décidé à la veille de la guerre. Alors que Schacht s’inquiète du coût du réarmement et de la nécessité de rembourser les bons Mefo qu’il a créé, il est renvoyé de son poste de ministre de l’économie en 1937. C’est un proche d’Hitler, Hermann Göring, qui va alors piloter le deuxième plan quadriennal qui doit préparer l’entrée en guerre du Reich grâce à une politique autarcique puissamment financée par l’Etat (développement de caoutchouc synthétique, essence de synthèse pour éviter la dépendance au pétrole, sidérurgie, …).

Conclusion

À la veille du déclenchement de la seconde guerre mondiale, le pari économique d’Hitler semble réussi. Le chômage a pratiquement disparu, le PNB a connu une croissance de 10% par an entre 1932 et 1939, et le réarmement a permis à la nouvelle armée allemande, la Wehrmacht, de disposer d’équipements modernes pour le conflit qui se prépare. Néanmoins, contrairement aux paroles de la propagande, la situation économique du Reich est loin d’être idéale. En effet, la politique d’autarcie imposée par les nazis coute cher et indispose les entreprises qui doivent par exemple utiliser du fer allemand à la place du fer suédois qui est de meilleure qualité. Dans le même temps, les salaires restent bas et l’inflation n’est contenu grâce à un blocage des prix imposé par l’Etat. Cette gestion économique n’est pas tenable sur le long terme et nécessite un agrandissement rapide du territoire du Reich. Cette expansion commencera avec l’Anchluss de l’Autriche en 1938 avant de passer à l’étape supérieure avec l’attaque en Pologne.

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