Considéré par Henri IV comme « la plus belle maison de France », Chantilly occupe une place à part dans l’histoire des châteaux français. Bien que n’étant pas un château royal, il aura accueilli de nombreux souverains des dynasties Valois et Bourbons dont notamment François Ier, Henri IV ou encore Louis XIV. Il symbolisera aussi à sa manière les grâces et disgrâces de ses prestigieux propriétaires.
Des Bouteiller de Senlis aux Montmorency
Au début du XIème siècle, un premier château est construit par Guy, seigneur de Senlis et « bouteiller » du roi Louis VI. Cette fonction donnera naissance au nom de sa lignée, les Bouteiller de Senlis. Néanmoins, alors que débute la guerre de Cent Ans, Guillaume IV le Bouteiller est couvert de dettes et se révèle incapable de protéger ses domaines, le château lui-même étant mis à sac. Le régent Charles le remplace alors par un cousin ce qui créera de nombreux troubles entre héritiers pour la succession.
Chantilly est finalement vendu pour 8000 livres à Pierre d’Orgemont, seigneur de Méry-sur-Oise, qui entreprend la reconstruction du château. Quelques années plus tard, en 1484, le dernier seigneur d’Orgemont, Pierre III, n’ayant pas de descendant, va partager ses possessions entre deux de ses neveux. C’est Guillaume de Montmorency qui reçoit alors Chantilly et s’y installe aussitôt.
Cette ancienne et prestigieuse famille va alors s’affirmer comme un solide soutien du pouvoir royal durant les conflits des XVème et XVIème siècles. Parmi les hommes les plus influents de la famille, le nom d’Anne de Montmorency revient fréquemment. En effet, avec pas moins de six cents fiefs et cent trente châteaux à travers la France, ce fut l’un des seigneurs les plus puissants du Royaume. Pourtant, malgré ses multiples missions à travers la France et l’Italie, il prendra le temps d’entreprendre d’importants travaux de restauration de la forteresse médiévale. Ces rénovations seront confiées à l’architecte Pierre Chambiges qui construira le Petit Château qui est aujourd’hui la partie la partie la plus ancienne encore debout.
La période des guerres de religion sera cependant compliquée pour les Montmorency qui seront notamment accusés par les Guise (qui dirigent le camp des catholiques) d’être trop proche des protestants. Cependant, la disgrâce définitive viendra quelques années plus tard sous le règne de Louis XIII durant lequel, Henri II de Montmorency, féroce adversaire de Richelieu, sera exécuté à Toulouse pour crime de lèse-majesté*. Les biens de la famille seront alors confisqués et le château réservé à l’usage personnel du roi.
* Il avait appuyé la révolte de Gaston d’Orléans contre Richelieu. Le cardinal ne pouvant pas s’en prendre au frère du roi avait choisi de cibler Henri II de Montmorency.
Le règne des Bourbon-Condé
Dans la foulée de la brillante victoire du duc d’Enghien à Rocroi, le domaine deviendra en 1643 la propriété de la puissante famille des Bourbon-Condé. En 1646, le duc succèdera à son père et deviendra le quatrième prince de Condé, mais comme le dernier Montmorency, il se rebellera contre l’autorité du roi. En effet, lors de l’épisode de la Fronde contre l’autorité royale, le prince va rejoindre la rébellion puis passera même au service de l’Espagne. Exilé et condamné à mort, il perdra ses possessions en France mais en 1659, suite aux négociations franco-espagnoles, il obtiendra le pardon royal et récupèrera ses titres et biens.
Dès son retour, celui que l’on appellera le Grand-Condé va alors demander à André Le Nôtre, jardinier du roi, de remanier les jardins du château. Le résultat sera impressionnant avec la création de parterres à la française, de salles de jeux végétales et de cascades artificielles. De plus, le prince étant tenu à l’écart de toute fonction officielle ou militaire, il organisera de nombreux bals, fêtes et feux d’artifice et entretiendra à Chantilly une cour à l’étiquette moindre stricte que celle de Versailles.
Le passage du prince à Chantilly sera également marqué par un drame : le suicide de son maitre d’hôtel, François Vatel. En effet, le prince avait organisé trois jours de festivités afin de sceller sa réconciliation avec son cousin, le roi Louis XIV. Cependant, le matin du troisième jour, la commande de poisson n’arrivait pas et mettait en danger l’organisation du diner. Touché dans son honneur, Vatel se suicidera alors même que la livraison était en train d’arriver.
Quelques années plus tard, la structure du château sera modifiée par un autre prince de la famille, Louis IV Henri, premier ministre de Louis XV entre 1723 et 1726. Passionné de chasse, il créera les magnifiques Grandes Ecuries mais également la manufacture de porcelaine de Chantilly. Il fera également appel à de grands peintres de l’époque (Oudry, Desportes, Huet) pour redécorer les appartements du Petit Château.
Lorsque la Révolution éclatera, le prince Louis-Joseph, hostile aux idées révolutionnaires, quittera la France dès 1789 et formera l’armée d’émigration, fidèle à l’Ancien Régime monarchique. Pendant son absence, le château servira de prison avant qu’une grande partie des bâtiment (notamment le Grand Château) ne soit rasé en 1799. Lorsqu’il reviendra d’exil en 1815, le prince fera restaurer les appartements et redessiner le jardin anglais par l’architecte Victor Dubois.
Son fils, Louis VI, qui n’a pas d’héritier vivant*, va léguer le château à son neveu, le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe. Dans un premier temps, le duc ne parviendra pas à restaurer le château pour des raisons financières puis se retrouvera exilé en Angleterre suite à la révolution de Juillet. Toutefois, après son retour en 1870, il fera reconstruire le château sur ses anciennes fondations grâce l’architecte Honoré Daumet. Lorsqu’il mourra sans enfant en 1897, il lèguera le château à l’Institut de France qui en est toujours propriétaire aujourd’hui.
* le duc d’Enghien a été exécuté en 1804 sur ordre de Napoléon
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