La construction de l’Opéra Garnier : le triomphe d’un jeune architecte

Travaillant non loin de la place de l’Opéra, je m’arrête parfois devant la façade de ce monument afin de l’admirer. Classé monument historique en 1923, ce chef d’œuvre architectural du XIXème siècle qui devait être un symbole du faste impérial sous le Second Empire sera finalement achevé sous la IIIème République. Voici son histoire :

Aux origines de l’Opéra de Paris

Le 28 juin 1669, l’Académie royale de musique est créée par le poète lyonnais Pierre Perrin par le biais d’une lettre patente de Louis XIV qui lui donne l’exclusivité dans le domaine des opéras à Paris mais aussi dans toute la France. Le poète ne pourra cependant pas l’occasion profiter de ce privilège royal bien longtemps puisqu’il sera emprisonné peu après pour dettes. Jean-Baptiste Lully en profitera pour lui racheter ce privilège en 1672.

Dans les années qui suivront, l’Académie changera plusieurs fois de localisation avant de s’établir au Palais Royal en 1673. Malheureusement, en 1763, un incendie détruisit la salle qui fut rapidement reconstruite et dès 1770 l’Académie pourra y présenter le « Zoroastre » de Rameau. Une fois de plus, le sort va s’acharner et en 1781, la nouvelle salle est de nouveau détruite par un incendie.

Par la suite, l’Académie va alors s’installer au Théâtre de la Porte-Saint-Martin de 1781 à 1794. Durant la Révolution, l’Académie royale (devenu Opéra) va alors s’établir à l’Opéra de la rue de Richelieu. Néanmoins, suite à l’assassinat en 1820 du duc de Berry à la sortie de l’Opéra, Louis XVIII ordonne la destruction du bâtiment. Paris n’ayant alors plus de salle d’Opéra, la décision est alors prise de construire une salle « provisoire ». Ce rôle va échoir à l’Opéra Le Peletier qui sera inauguré en août 1821. Le 14 janvier 1858, l’attentat dont est victime Napoléon III rue Le Peletier, va décider l’empereur à construire d’une grande salle digne de la Ville Lumière.

Un début de chantier sous l’Empire, une inauguration sous la République

Le 29 septembre 1860, l’empereur publie un décret déclarant d’utilité publique la construction d’une nouvelle salle d’opéra. Un concours est alors ouvert en fin d’année et après plusieurs mois de compétition, c’est le jeune architecte Charles Garnier qui remporte le concours à l’unanimité du jury.  Dès août 1861, les fouilles commencent sur le lieu du site choisi par le préfet Haussmann (plus connu comme en tant que baron Haussmann).

Ce choix pose rapidement un premier problème à Charles Garnier en raison du découpage du quartier effectué par le préfet et de la hauteur des bâtiments entourant le site. Quelques mètres plus bas, dans le sous-sol, un deuxième souci apparait. En effet, la nappe phréatique est si rapidement atteinte qu’il faut employer des pompes à vapeur pour évacuer l’eau. Par la suite, un réservoir est creusé sous le bâtiment pour lutter contre le risque d’infiltration. Par la suite, de nombreuses coupes budgétaires viendront ralentir les travaux mais le 15 août 1867 (jour de la Saint-Napoléon), la façade sud du bâtiment est dévoilée dans le cadre de l’Exposition universelle. Ce jour-là, l’impératrice Eugénie se montrera sceptique devant le style architectural de la façade qui n’est « ni du grec, ni du Louis XV, pas même du Louis XVI ». Charles Garnier, répondra avec humour : « C’est du Napoléon III ! Et vous vous plaignez ».

Néanmoins, un nouvel évènement tragique va interrompre l’avancée du chantier : la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Durant cette période, le bâtiment inachevé est transformé en magasin afin notamment d’y entreposer des vivres. La guerre terminée, l’Opéra est une belle épine dans le pied de la nouvelle République pour qui le bâtiment est un symbole du faste impérial. Charles Garnier est limogé, mais l’incendie de la salle de la rue Le Peletier le 28 octobre 1873 va priver Paris de sa salle d’Opéra. Le jeune architecte est alors rappelé et le 5 janvier 1875, l’Opéra Garnier est inauguré en présence de près de deux mille invités, dont le président de la République, Patrice de Mac Mahon.

Dans les années qui suivront, de nouveaux travaux seront entrepris. Les plus marquants étant peut-être l’installation de l’éclairage électrique dans l’ensemble de l’Opéra grâce à une usine installée sous le bâtiment. En 1923, l’Opéra Garnier est classé monument historique à une époque où l’architecture du XIXème siècle est pourtant souvent méprisé. Enfin, au-delà des nombreux travaux de restauration, c’est évidemment l’installation du plafond de Marc Chagall qui marquera l’Opéra Garnier au XXème siècle. Ce projet décidé en 1960 par André Malraux (ministre des Affaires culturelles) fit scandale à l’époque mais permit de remettre l’Opéra Garnier « à la mode ». Ce ne fut d’ailleurs pas la seule opération de communication réussie qu’organisa Malraux. En effet, on peut également citer le plafond peint par George Braque dans la salle Henri II du Louvres en 1952 et le plafond du théâtre de l’Odéon par André Masson en 1965.

La danse de Carpeaux

S’il est difficile de décrire dans un seul article l’ensemble des œuvres ornant l’Opéra Garnier. L’une d’elles mérite que l’on y consacre quelques lignes : La Danse de Jean-Baptiste Carpeaux. Cette sculpture représentant plusieurs femmes (les bacchantes) entourant le génie de la danse armé de son tambourin. Dévoilé à l’été 1867, l’œuvre va aussitôt susciter le scandale en raison de l’attitude et du réalisme des nus féminins. Au-delà d’une intense campagne de presse dénigrant la sculpture, certaines personnes iront même jusqu’à jeter de l’encre sur l’œuvre dans la nuit du 26 au 27 août 1867. Devant l’ampleur du scandale, se résout à remplacer La danse par une sculpture plus sage de Gumery mais la guerre de 1870 va interrompre ce projet. La guerre terminée, l’œuvre de Carpeaux restera finalement en place jusqu’en 1964 où, pour protéger l’œuvre de la pollution, elle sera remplacée par une copie réalisée par Paul Belmondo. L’original est alors déplacé au musée d’Orsay où on peut encore l’admirer aujourd’hui.

Si cet article vous a donné envie de découvrir cet opéra, sachez que des visites (guidées ou non) sont proposées. Vous trouverez ci-dessous différents liens permettant de visiter l’Opéra Garnier :

https://www.operadeparis.fr/visites/palais-garnier

https://www.cultival.fr/visites/les-mysteres-du-palais-garnier-apres-fermeture-au-public-843

https://www.cultival.fr/visites/le-palais-garnier-un-chef-doeuvre-architectural-841

Que visiter d’autres autour de l’Opéra Garnier

Si vous avez le temps, voici quelques autres idées de visites historiques aux alentours de l’Opéra :

  • La Tour Jean Sans Peur construite en 1408 pour le compte du duc de Bourgogne : Jean 1er dit Jean Sans Peur. Elle est située 20 rue Etienne Marcel.
  • La Basilique Notre-Dame-des-Victoires classée monument historique en 1972 et située 6, rue Notre-Dame des Victoires.
  • Les différents passages couverts (Sainte-Foy, Choiseul, …) et leurs commerces.
  • Le musée de la vie romantique situé 16 rue Chaptal dans un ancien hôtel particulier.
  • Le musée national Gustave Moreau situé 14, rue de La Rochefoucauld dans l’ancien atelier du peintre.

Pour aller plus loin

L’Opéra Charles Garnier de Gérard Fontaine (édition du patrimoine) : http://www.editions-du-patrimoine.fr/Librairie/Monographies-d-edifices/L-Opera-de-Charles-Garnier-Une-oeuvre-d-art-total

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