La mort du soldat Renz où l’histoire d’Eléonore Prochaska

Eléonore Prochaska

Début 1812, Napoléon Ier est à l’apogée de sa puissance. Cependant, Alexandre Ier, Tsar de Russie, refuse de se conformer au blocus continental contre la Grande-Bretagne. Cette décision entraîne le début de la campagne de Russie en juin 1812, une campagne qui se soldera par un échec stratégique et des pertes ahurissantes pour la Grande Armée. Cette défaite redonne espoir aux puissances européennes, fatiguées de la domination française, qui se regroupent au sein de la 6ème coalition. C’est dans ce contexte qu’un soldat particulier va s’engager au sein des armées coalisées.

Enfance et engagement dans l’armée

Eleonore Prochaska naît le 11 mars 1785 à Potsdam. Son père est sous-officier dans la garde prussienne et part en guerre contre la France en 1793. Sa mère étant morte, Eléonore et ses trois frères et sœurs sont admis au Grand Orphelinat Militaire de Potsdam où elle reste jusqu’en 1797 avant de retourner auprès de son père. En 1808/1809, elle s’intéresse aux soulèvements en Espagne et au Tyrol contre Napoléon, puis, quitte la maison familiale en 1810 pour servir comme cuisinière dans une maison de ville à Potsdam.

En juin 1813, elle parvient à se faire recruter au sein du 1er Bataillon de Chasseurs du Freikorps de Lützow* sous le nom d’August Renz. Un mois plus tard, le Freikorps vient renforcer le corps d’armée du général von Wallmoden positionné sur l’Elbe. Alors que les combats reprennent à la mi-août, l’unité de Prochaska se trouve à Büchen. Son unité a participé à toute la campagne, mais n’a pas été utilisée dans les nombreuses escarmouches contre l’armée de Davout (Lauenburg, Vellahn, Gadebusch, Mölln, etc.). La bataille de Göhrde, le 16 septembre 1813, est donc le premier combat sérieux pour le bataillon et pour la jeune femme.

* unité qui rassemblait des volontaires de toute l’Allemagne

La bataille de la Göhrde

En août 1813, la garnison de Hambourg, commandée par le maréchal Davout, tente de maintenir le contact avec le Danemark, allié de la France, tout en retenant une partie des forces coalisées. Pour cela, Davout avance en Mecklembourg face aux troupes de Wallmoden et envisage de continuer vers Berlin pour rejoindre l’armée d’Oudinot, venue de Saxe. Cependant, la défaite d’Oudinot à Gross Beeren le 23 août oblige Davout à se retirer du Mecklembourg. Il envoie toutefois un détachement, commandé par le général Pécheux, au sud de l’Elbe, pour rétablir la liaison avec la garnison encerclée de Magdebourg. Pécheux, qui dispose de 3 000 hommes et de 6 canons, se dirige alors vers Lunebourg mais le général Wallmoden, décide de l’intercepter. 

Le 16 septembre, Pécheux établit son camp à Dannenberg dans la lande de Göhrde et déploie ses troupes entre les villages d’Oldendorf et Eichdorf. En face, Wallmoden peut compter sur 12 000 soldats principalement russes et allemands. Une forte supériorité numérique et des mouvements tactiques intelligents permettent aux coalisés de l’emporter. Cependant, au sein du Freikorp de Lützow, Eleonore Prochaska est grièvement blessée par la mitraille alors qu’elle tente de transporter un camarade blessé hors du champ de bataille. Un sous-officier qui se précipita pour soigner ses blessures découvrit alors qu’elle était une femme et la fit conduire dans un centre communautaire à Dannenberg, où elle succomba à ses blessures trois semaines plus tard.

Postérité

Après sa mort, la figure d’Eleonore Prochaska va vite être reprise à des fins de propagande puisque le 7 octobre 1813, un journal allemand décrira son sacrifice héroïque pour son roi et sa patrie. Sa bravoure et son héroïsme sont salués et certains la considèrent même comme la “Jeanne d’Arc de Potsdam”. Des drames et des poèmes sont rédigés en son honneur et en 1865, un mémorial est même érigé sur sa tombe à Dannenberg. Quelques années plus tard, un autre mémorial est construit dans sa ville natale de Postdam. Une pièce de théâtre sera également écrite en son honneur et Beethoven lui-même composera l’une des musiques d’accompagnement.

Le mythe de la soldate prussienne sera renforcé par le livre du lieutenant Friedrich Förster qui avait participé à l’attaque de la Lützower sur la Göhrde. L’officier expliquait que la jeune fille, pour encourager ses camarades, avait poursuivi l’attaque avec un tambour laissé sur place. Cette image du “batteur de Lützow” se répandit rapidement, mais Förster a entièrement inventé ce récit. En effet, toutes les sources s’accordent sur le fait que Prochaska a été touchée alors qu’elle tentait d’éloigner un camarade de la ligne de tir et qu’elle s’est révélée non pas au lieutenant Förster mais probablement au sergent Markworth, un instituteur de Berlin.

Malgré tout, le personnage d’Eléonore a été approprié à plusieurs reprises au fil du temps par des courants très différents tels que les nationalistes, les communistes et les féministes. Elle n’a pourtant pas été la seule femme à avoir combattu durant les guerres napoléoniennes puisque la russe Nadeschda Durowa, la tyrolienne Katharina Lanz ou la prussienne Anna Lühring ont également combattu dans des armées de la coalition. Elles ont cependant toutes été libérées de l’armée après avoir été reconnues comme des femmes. La seule exception étant probablement Friederike Krüger qui, grâce à la protection de son commandant de brigade, devint la seule femme sous-officier connue de l’armée prussienne. 

Voilà pour l’histoire, peu connue, de cette jeune femme qui aura pris les armes pour soutenir son pays dans une époque de grands conflits en Europe. Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager sur les réseaux.