Suite à une idée de la chaîne “Histoire, Légendes et Monnaies”, nous vous proposons, pour cette première vidéo de l’année, un thème original sur une période pourtant bien connue de notre histoire : la Seconde Guerre Mondiale. Plutôt que de collaborer sur une vidéo commune, nous avons convenu de traiter ce sujet chacun de notre côté, afin de vous présenter les événements sous deux angles différents. Si vous souhaitez découvrir sa vision de cette histoire, vous trouverez le lien vers sa chaîne à la fin de l’article.
Le 6 juin 1944, près de 156 000 hommes débarquent sur les côtes de Normandie afin de libérer la France. Pourtant, en coulisse, le sort de l’hexagone est secondaire pour les anglo-saxons qui préparent déjà un après-guerre où la France ne ferait que de la figuration. Cette volonté se heurtera toutefois à un homme qui s’opposera au projet américain d’occuper et d’administrer la France : le général de Gaulle. Retour sur cette guerre d’influence entre alliés, en plein cœur de la Seconde Guerre Mondiale.
Deux pays aux trajectoires bien différentes
À la fin de la Première Guerre mondiale, la France jouit d’un immense prestige grâce à son rôle crucial dans la victoire remportée face à l’Allemagne. Néanmoins, le pays est profondément meurtri par le conflit qui a causé d’énormes destructions matérielles et fait perdre la vie à des millions d’hommes durant les combats. Ce bilan engendrera un véritable traumatisme et entraînera de nombreuses tensions sociales et politiques durant l’entre-deux-guerres. La conclusion malheureuse de ces difficultés sera la défaite brutale de la France en 1940 où l’armée française est balayée en quelques semaines par une armée allemande revancharde. Suite à cette défaite, un régime collaborationniste est mis en place à Vichy sous l’égide du Maréchal Pétain. De l’autre côté de la Manche, un officier peu connu lancera un appel à la résistance depuis Londres le 18 juin 1940. Son nom : le général de Gaulle.
La situation est bien différente pour les États-Unis qui sont devenus la première puissance économique mondiale en 1913 grâce à une croissance économique encouragée par une forte demande intérieure. Profondément isolationniste, le pays rentrera toutefois en guerre en 1917 au côté des Alliés, mais se repliera de nouveau sur lui-même à la fin de la Première Guerre Mondiale. Cependant, cette volonté de rester à l’écart des conflits en Europe et en Asie va s’assouplir progressivement dans les années 1930 sous l’impulsion du président américain de l’époque : Franklin D. Roosevelt. Ce dernier suivra avec attention les évènements en cours dans le monde et privilégiera une approche de soutien ou de sanctions* vis-à-vis des autres puissances mondiales. Ainsi, alors que la Seconde Guerre mondiale démarre en Europe en 1939, les États-Unis, qui se remettent enfin des conséquences de la crise économique de 1929, soutiennent indirectement les Alliés en leur vendant armes et fournitures.
* Principalement des sanctions économiques
Intérêts divergents et inimitié personnelle
Durant l’entre-deux-guerres, quelques tensions apparaissent entre la France et les Etats-Unis. En effet, suite à la Première Guerre Mondiale, les français veulent imposer des conditions de paix très dures à l’Allemagne contrairement aux américains qui souhaitent ménager les allemands. La situation s’apaise quelque peu dans les années 1930 avec l’arrivée de Roosevelt au pouvoir aux Etats-Unis. En effet, ce dernier est inquiet de la montée en puissance des régimes fascistes et souhaite que son pays sorte de son isolement pour soutenir les démocraties libérales mais l’opinion américaine reste hostile à toute intervention extérieure.
En 1940, l’ampleur et la vitesse de la défaite française surprend Roosevelt. Lorsque les Etats-Unis rejoignent le conflit, le président américain prépare déjà l’après-guerre et son opinion sur la France est sans appel : elle ne sera plus capable de défendre les points stratégiques qu’elle occupait en Europe, en Afrique et en Asie. De plus, encouragé par certains membres de son administration comme le secrétaire d’Etat Cordell Hull et l’amiral William Leahy, Roosevelt va développer une franche animosité vis-à-vis du général de Gaulle qu’il considère comme un apprenti-dictateur peu fiable. Malgré quelques rencontres entre les deux hommes, la situation ne s’améliorera jamais vraiment.
Cette animosité envers de Gaulle et la perspective de profiter des matières premières de l’empire colonial français va pousser les américains à trouver des alternatives au général français. Roosevelt ayant gardé contact avec le régime de Vichy qu’il considérait comme le gouvernement français légitime, tentera de s’appuyer sur l’amiral Darlan, puis sur le général Giraud, mais le premier, cadre de Vichy, est assassiné par un résistant français, et le deuxième sera isolé politiquement par de Gaulle qui parvient à s’imposer en 1943 comme seul leader du Comité français de libération nationale (CFLN), un organisme qui n’est alors pas reconnu comme gouvernement français légitime par Roosevelt.
Un projet de mise sous tutelle
En novembre 1942, les accords Clark-Darlan sont signés et prévoient l’occupation américaine des territoires de l’Empire colonial français. Cet accord, préparé et souhaité par Roosevelt, est vigoureusement dénoncé par le général de Gaulle qui annonce que la France libre ne tolérera pas l’administration par les États-Unis de territoires français. En mars 1943, le président américain envisage même de créer un nouvel État appelé Wallonia. Il prévoit de retirer à la France l’Alsace-Lorraine et une partie du Nord du pays afin de les fusionner avec la Belgique et le Luxembourg mais cette idée farfelue est rapidement abandonnée.
Cependant, alors que le débarquement de Normandie approche, Roosevelt, qui ne reconnaît toujours pas la légitimité du Comité français de libération nationale (CFLN), prévoit de placer la France sous la direction d’un gouvernement militaire d’occupation : l’AMGOT*. Cette structure, testée en Italie en 1943, avait pour objectif d’administrer les territoires libérés par les alliés. Pour cela, plusieurs centaines d’officiers américains furent formés dans des centres à Yale et Charlottesville afin de préparer l’administration de la France. En parallèle, le gouvernement américain fait imprimer des vignettes qui doivent remplacer la monnaie en circulation en France. Ces nouveaux billets, sur lesquels se trouvent la devise “Liberté, Égalité, Fraternité”, sont imprimés entre février et mai 1944 par le Bureau of Engraving and Printing**. Cependant, aucune mention de cet institut d’émission n’apparaît sur les billets.
* Allied Military Government of Occupied Territories : Gouvernement militaire allié des territoires occupés
** l’organisme qui imprime les dollars
De Gaulle prend de vitesse les américains
A l’approche du débarquement, de Gaulle est toujours tenu à l’écart des préparatifs, Roosevelt lui faisant même interdire les messages chiffrés entre Londres et Alger. Cependant, le général sait que les américains ont prévu de mettre la France sous tutelle et décide de prendre les devants. Le 3 juin 1944 à Alger, le Comité français de libération nationale (CFLN) devient le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). En agissant de cette manière, de Gaulle veut faire coup double : il souhaite éviter un chaos anarchique qui aurait pu favoriser les communistes tout en bloquant l’établissement d’un gouvernement militaire américain. De futurs cadres républicains ont même été formés afin de remplacer l’administration vichyssoise et seront installés dès juin 1944, par le GPRF. C’est Michel Debré, futur Premier ministre, qui sera chargé d’organiser leur désignation en remplacement des préfets nommés par Vichy. Ainsi, au fur et à mesure de la libération du territoire, les représentants du GPRF s’installeront sans difficulté et prendront de court les américains.
En parallèle de cette reprise de contrôle du territoire national, de Gaulle pose le pied sur le territoire français le 14 juin et prononce le premier discours de Bayeux où il est reçu triomphalement par la population. Dans les mois qui suivent, il continue de sillonner les villes françaises dans la foulée de leur libération par les forces alliées. Mieux encore, le 25 août, Paris est libérée par la 2ème division blindée du général Leclerc. De Gaulle se rend alors à l’hôtel de ville où il prononce un nouveau discours dans lequel il insiste sur le rôle essentiel joué par les français dans leur propre libération. Le lendemain, il descend triomphalement les Champs-Élysées et fleurit la tombe du Soldat inconnu. Rapidement, le GPRF est transféré à Paris et le 9 septembre, un gouvernement d’unité nationale est constitué sous la présidence du général de Gaulle. La libération de Paris, le soutien populaire et la mise en place rapide d’institutions provisoires vont alors forcer les alliés à reconnaître officiellement le Gouvernement Provisoire de la République Française le 23 octobre 1944.
Côté américain, c’est la douche froide. Ne connaissant pas le pays et ne disposant pas d’appui dans la population locale, les agents de l’AMGOT sont isolés et un peu perdus. Lucide et pragmatique, le général Eisenhower*, qui ne partage pas l’aversion de Roosevelt pour de Gaulle, renonce rapidement à l’administration militaire de la France et préfère travailler en bonne intelligence avec les autorités françaises. De plus, les vignettes américaines, dont le cours a été initialement imposé par les autorités militaires, s’écoulent difficilement. Il faut dire que le gouvernement provisoire français avait rapidement indiqué qu’il ne reconnaissait aucune valeur légale à ces billets qui avaient été mis en circulation sans son accord. Le 27 juin, de Gaulle ira même jusqu’à interdire leur circulation. Une partie de la population les utilisera toutefois, y compris pour payer ses impôts, mais fin août, ces billets seront retirés de la circulation.
La suite de l’histoire, vous la connaissez. Bien que n’étant pas invitée aux conférences de Yalta et de Postdam, la France sera présente à la table des vainqueurs le 8 mai 1945. Elle obtiendra même, grâce à l’appui de la Grande-Bretagne, un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et une zone d’occupation en Allemagne. Durant la Guerre Froide, France et Etats-Unis entretiendront encore une fois des rapports compliqués mais resteront alliés, les américains soutenant la France de l’après-guerre grâce au plan Marshall alors que la France se tiendra au côté des États-Unis face à l’Union Soviétique.
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* Commandant suprême des forces alliées en Europe
Vous trouverez ci-dessous le lien vers la chaîne Histoire, Légendes et Monnaies qui a travaillé sur le même sujet : https://www.youtube.com/@histoirelegendesetmonnaies2573