Aussi connu sous le nom de Qal’at al-Hosn, cette forteresse emblématique située dans l’actuelle Syrie remonte au 11ème siècle. C’est l’un des châteaux les mieux préservés de la période des croisades, ces expéditions militaires menées pour permettre aux pèlerins chrétiens de se rendre sur les lieux saints de Terre sainte. Retour sur sa construction et son importance lors de cette période troublée.
Les premières croisades
En 1071, un nouvel envahisseur fait son apparition en Asie Mineure suite à sa victoire durant la bataille de Manzikert : les Seldjoukides. Leur expansion menace un empire Byzantin déjà fortement affaibli qui demande l’aide de Rome contre cette nouvelle menace. Quelques années plus tard, les Seldjoukides s’emparent de Jérusalem et chassent les Fatimides qui gouvernaient la région depuis 970. Alors que ces derniers permettaient un accès libre aux chrétiens, les nouveaux maîtres de Jérusalem coupent l’accès aux lieux saints pour les pèlerins venant d’Europe.
En Occident, ces événements vont pousser le pape Urbain à lancer en novembre 1095 le premier appel à la Croisade. Alors qu’une première expédition populaire est écrasée par les turcs en Anatolie, la Première croisade, dites “des barons”, s’empare de Jérusalem en 1099 malgré de fortes rivalités entre les chefs croisés et une importante infériorité numérique. Ce succès marque le début des États latins d’Orient. Cette présence, qui durera près de deux siècles, s’appuiera notamment sur la création de deux grands ordres de chevalerie : les Templiers et les Hospitaliers.
Un château pour les Hospitaliers
Lors de la Première croisade, les chevaliers chrétiens s’étaient emparés d’un imposant château occupé par une petite garnison kurde de l’émir seldjoukide de Homs. Les croisés menés par Raymond de Saint-Gilles s’en emparèrent mais continuèrent leur route jusqu’à Jérusalem. Il faudra attendre 1110, et la prise de la forteresse par Tancrède de Hauteville*, pour qu’une garnison y soit installée définitivement. Cependant, le coût d’entretien du château poussera Raymond II, comte de Tripoli, à confier la garde de la forteresse aux Hospitaliers en 1142. Leur maître, Raymond du Puy, comprît la position stratégique de la citadelle pour la protection des Etats chrétiens d’Orient, et lança d’importants travaux pour renforcer les défenses du château désormais appelé “Krak de l’Hospital”**.
Les Seldjoukides tenteront à plusieurs reprises de reprendre le Krak, mais sans succès ce qui vaudra au château du nouveau surnom : le Qal’at al-Hosn (la ”forteresse imprenable”). Le prestige des Hospitaliers et de leur grand maître est si grand qu’ils sont appelés à l’aide à plusieurs reprises mais connaîtront des fortunes diverses (échec devant Damas en 1148, mais succès avec la prise d’Ascalon en 1153). Raymond du Puy reviendra alors au Krak afin de le défendre face à l’émir d’Alep, Nur al-Din Mahmud, qui échouera lui aussi devant les murs de la forteresse. C’est finalement un événement imprévu qui ébranlera les murs du Krak en 1157 : un tremblement de terre. Ce violent séisme sera vu comme une opportunité pour le grand maître qui fera restaurer et agrandir le château grâce au soutien financier du roi de Bohème.
* chevalier normand, il participera à la première croisade et deviendra prince de Galilée et régent de la principauté d’Antioche
** en référence au mot syriaque Karak voulant dire forteresse
Apogée et chute du Krak
Raymond du Puy mourra en 1159 et ne vit jamais le résultat des travaux durant lesquels la forteresse fut solidement renforcée. En 1163 et en 1167, Nur ad-Din tenta de nouveau de s’emparer du château, mais échoua à chaque fois. Malheureusement, un second tremblement de terre se produisit en 1170 et obligea les Hospitaliers à lancer de nouveaux travaux. Cette nouvelle phase qui s’étendit de 1170 à 1202 permit la reconstruction du Krak en s’inspirant d’éléments d’architecture militaire byzantins. La forteresse était alors si impressionnante que Saladin, pourtant plusieurs fois victorieux face aux croisés, renonça à s’emparer du Krak. La forteresse s’étendait alors sur près de 2,5 hectares et était protégée par deux hautes enceintes concentriques et indépendantes, renforcées par des tours en saillie rondes intégrées.
De plus, au-delà des défenses du château, la cavalerie du château, lourdement armée, effectua à de nombreuses reprises des sorties sur l’ennemi afin de protéger cette forteresse qui abritait 2 000 hommes et possédait des réserves de nourriture pour cinq ans. Une nouvelle phase de travaux fut néanmoins organisée entre 1250 et 1271 afin d’élever certaines tours et renforcer les défenses extérieures, notamment au sud. Ces nouvelles défenses furent rapidement mises à l’épreuve par l’attaque en 1271 du château par le sultan Baybars qui parvint à s’emparer des fortifications extérieures et intérieures. Les Hospitaliers s’étant retranchés dans la citadelle du château, le sultan rédigea une fausse lettre (soi-disant du grand maître de l’Ordre, Hugues Revel) qui accordait aux Hospitaliers l’autorisation de se rendre. Le sultan, nouveau maître des lieux, épargna la vie des membres de la garnison et lança une nouvelle vague de travaux afin de reconstruire le Krak jusqu’à 1285. Néanmoins, l’intérêt stratégique du château était bien moindre pour les nouveaux maîtres et l’importance du Krak déclina assez rapidement.
Vous connaissez désormais l’histoire du Krak qui reste l’un des plus beaux exemples d’architecture militaire médiévale malgré le manque d’entretien du site et la guerre civile syrienne durant laquelle le château a servi de retranchement aux opposants au régime de Bachar el-Assad. Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à réagir et à le partager sur les réseaux.