L’économie Nazie durant la seconde guerre mondiale : une fuite en avant perpétuelle

économie nazie

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. C’est le début de la seconde guerre mondiale sur le continent européen, un conflit préparé depuis son arrivée au pouvoir par le chancelier du Reich : Adolf Hitler. Néanmoins, comme nous l’avons vu dans la vidéo/l’article précédent(e), la politique économique mise en place par les nazis n’est pas tenable à long terme et le Führer lui-même en est conscient. Alors, comment est-il possible que, jusqu’à la fin de la guerre, l’Allemagne ait pu conserver un potentiel industriel aussi important malgré des ressources limitées et les nombreux bombardements alliés ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre aujourd’hui.

Comment compenser le manque de ressources du Reich ?

Dès le début du conflit, l’Allemagne est soumise, comme lors de la première guerre mondiale, a un blocus britannique, restreignant ainsi l’accès au pétrole mais également à divers produits de consommation courants (café, le chocolat, coton…). Cette situation poussera les nazis à imposer un rationnement dès 1939. Cependant, alors que la Grande-Bretagne augmentera fortement ses impôts pour payer l’effort de guerre et mettra durement les britanniques à contribution, Hitler sera réticent à l’idée de demander de tels efforts aux citoyens allemands. Ainsi, en 1941 le taux d’imposition était de 13,7 % contre 23,7 % en Grande-Bretagne. En effet, plutôt que de cibler leurs concitoyens, les nazis financeront l’effort de guerre du Reich grâce au pillage des pays conquis.

D’un autre côté, le Reich va s’appuyer sur les champs pétrolifères de Ploiești de son allié roumain et développer des techniques de gazéification du charbon pour produire du pétrole. Toutefois, les réserves allemandes ne sont pas assez importantes et l’Allemagne doit compter sur des importations pour nourrir son effort de guerre. Ainsi, différents pays neutres vont continuer à commercer avec l’Allemagne tout au long de la guerre et lui fournir les ressources dont elle a besoin : la Suède fournira du minerai de fer, l’Espagne et le Portugal du tungstène. Néanmoins, les liens commerciaux et financiers les plus fort viendront de la Suisse qui adoptera une attitude bienveillante à l’égard du Reich jusqu’à la fin du conflit. Enfin, jusqu’au déclenchement de l’opération Barbarossa (l’invasion de l’Union soviétique), l’Allemagne va recevoir d’importantes quantités de céréales et de matières premières de la part de l’URSS (notamment pétrole, caoutchouc, minerais des céréales). En échange, les allemands fourniront aux soviétiques des machines, des équipements et même des armes !

Pillage et esclavage en Europe

Suite à ses succès militaires initiaux, le Reich va administrer (directement ou par le biais de gouvernements fantoches) de nombreux territoires. Ces-derniers sont alors contraint de vendre à des prix extrêmement bas des matières premières et des produits agricoles à l’Allemagne. Néanmoins, si les nazis avaient espéré exploiter les grands territoires de l’Est, l’intensité des combats et la politique de la terre brûlée adoptée par les soviétiques vont empêcher les allemands d’exploiter le Lebensraum (l’espace vital) d’Hitler. En revanche, le reste de l’Europe va être soumis à un pillage systématique.

Résultat dès 1941, près de deux tiers des trains français seront utilisés pour transporter des marchandises vers l’Allemagne. Cette logique de pillage méthodique des pays conquis va s’accentuer après l’invasion en juin 1941 de l’Union Soviétique puis avec l’appel à la guerre totale lancé par Goebbels lors de son discours au Sportpalast en février 1943. Ainsi, en janvier 1944, 25% de la houille et 40% du bauxite allemand proviendra des pays occupés. Toutefois, afin de diminuer le coût de ces « importations », les allemands imposeront un taux de change arbitraire en faveur du mark et prélèveront d’importants « frais d’occupation » aux pays conquis. C’est ainsi qu’en 1943, le « revenu spécial de l’étranger » ira jusqu’à couvrir 40% des besoins de trésorerie du Reich.

D’un autre côté, les allemands ont également besoin d’hommes pour remplacer les paysans et ouvriers mobilisés sur les différents fronts. Ainsi, en 1942, près de 7 millions de travailleurs européens sont transférés sur le territoire du Reich par le biais du STO (Service du Travail Obligatoire) sous la supervision de Fritz Sauckel (surnommé le « négrier de l’Europe »). Le Reich mettra aussi à contribution une main-d’œuvre disponible gratuitement qui va être littéralement réduite en esclavage : la population des camps de concentration. Véritables instruments de terreur du régime, ces camps enferment tous ceux que les nazis veulent éliminer : les juifs, les tziganes, les homosexuels mais également des opposants politiques. De plus, les prisonniers de guerre sont également mis à contribution. Toutefois, le comportement des allemands vis-à-vis de ces hommes sera très différent en fonction des pays d’origine. Ainsi, les prisonniers soviétiques, non protégés par les conventions de Genève (non ratifiées par l’URSS) seront traités avec une extrême brutalité alors que les prisonniers anglo-saxons seront relativement protégés.

Ainsi, en janvier 1944, c’est près de 6 millions de travailleurs qui vont participer, contraint et forcé, à l’effort de guerre en travaillant pour les grandes entreprises allemandes. Ils produiront munitions, moteurs et armes, comme par exemple les tristement célèbres missiles V2. Cependant, les mauvais traitements et la malnutrition de ces travailleurs, qui représentent près d’un quart de la main d’œuvre allemande, va réduire leur productivité et gêner grandement le fonctionnement de la machine de guerre nazie. En effet, contrairement au mythe tenace de l’efficacité nazie durant la guerre, les objectifs économiques allemands ne seront jamais atteints.

La guerre totale… puis la chute

De par la nature et les objectifs du régime, les dépenses militaires ont toujours occupé une place centrale dans le budget de l’Allemagne Nazie. Néanmoins, suite aux premiers revers et à la guerre totale décrétée par Goebbels en février 1943, le Reich va devoir consacrer toujours plus de moyens à l’effort de guerre. De plus en plus d’usines civiles sont converties à des fins militaires et à partir de 1943, l’économie allemande est complètement supervisée par le ministre de l’armement, Albert Speer et certains pans de l’économie tel que les restaurants ou les services sont tout bonnement fermés. De plus, afin de limiter les effets des bombardements alliés, une partie de la production est déplacée dans de gigantesques usines souterraines. Les résultats sont spectaculaires car sur la fin de l’année 1944, le nombre de chars est multiplié par 2 et le nombre d’avions par 3, malgré une intense campagne de bombardement alliée et la perte de nombreux territoires. Cependant, malgré tous ces efforts, l’Allemagne ne peut pas rivaliser avec la production des pays alliés.

Finalement, alors que la défaite du Reich semble inéluctable, la situation va brutalement se dégrader dans un pays dont les villes et les usines sont dévastées par des bombardements répétés. Cette situation va alors entrainer deux conséquences. Premièrement, entre 200 et 300 000 travailleurs sont mobilisés pour remettre en état les infrastructures. Deuxièmement, malgré les efforts de Speer, la production allemande s’effondre. Ainsi, en 1945, la production de carburants synthétiques a chuté de 86%, celle d’explosifs de 42% et celle des chars d’assaut de 35%.

Conclusion

Durant l’après-guerre, un débat historiographique va s’engager entre Timothy Mason et Richard Overy. Alors que le premier considère que la crise économique allemande a provoqué une « fuite vers la guerre », Richard Overy conteste cette hypothèse. Plus tard, l’historien Adam Tooze expliquera que la logique économique de guerre avait poussé Hitler à envahir l’Union Soviétique en 1941. Toutefois, cette position critiquée oublie de prendre en compte l’aspect racial de la politique d’Hitler. Ce-dernier voyait dans les territoires de l’est un espace vital pour la population allemande et dans les slaves un peuple à exterminer. En revanche, la fuite en avant de l’économie de guerre allemande est bien expliquée dans son ouvrage « le Salaire de la destruction » qui montre en détail les rouages et mécanismes économiques du Troisième Reich. Une logique inhumaine qui peut se résumer par cette phrase d’Hermann Göring le 5 août 1942 :  » Si quelqu’un doit avoir faim, ce ne seront pas les Allemands mais d’autres peuples ».

C’est tout pour aujourd’hui, si l’article vous a plu, n’hésitez pas à le partager sur les réseaux ! En attendant, je vous dis à bientôt 😉