Pas touché mais coulé : le destin tragique du Vasa

Vasa naufrage

Le musée Vasa situé sur l’île de Djurgården à Stockholm est l’une des principales attractions touristiques de la capitale suédoise. Et pour cause, ce musée abrite un navire de guerre du XVIIème siècle quasiment intact. Ce cas unique dans l’histoire maritime s’explique par le parcours tumultueux et, disons-le tout de suite, pas franchement glorieux, de celui qui devait être le fleuron de la flotte suédoise. Voici son histoire :

Une ambition royale

Considéré comme l’un des plus grands rois de Suède, Gustave II Adolphe monte sur le trône en 1611. Il est alors le lointain héritier de son aïeul, Gustave I, fondateur de la dynastie Vasa qui rendit la monarchie suédoise héréditaire en 1540. Le nouveau roi mènera de grandes réformes mais passera surtout 18 de ses 21 années de règne à se battre ce qui lui vaudra le surnom de “Lion du Nord”. 

Il faut dire qu’en ce début de XVIIème siècle, la guerre de Trente Ans fait rage en Europe. La Suède, de son côté, est en guerre avec la Pologne (en réalité la République des Deux Nations) et peut compter sur une armée puissante. En revanche, la situation maritime est moins reluisante. En effet, la flotte suédoise est principalement constituée de petits navires plus adaptés aux abordages qu’aux combats de ligne. De plus, cette flotte connaît de graves revers dans les années 1620. Ainsi, en 1625, dix navires suédois sombrent au large de Riga après avoir été pris dans une tempête alors que deux ans plus tard, la flotte suédoise est surclassée par les polonais qui s’emparent même du vaisseau amiral de la flotte : le Tigern.

Cette situation est inacceptable pour l’ambitieux Gustave II qui doit faire face à de nombreux rivaux dans la Baltique tel que le Danemark, la Pologne et bien sûr, la Russie. Le roi, qui a remarqué le développement de nouveaux canons plus puissant, va profiter de l’opportunité offerte par cette nouvelle artillerie pour ordonner la construction d’une série de cinq puissants navires destinés à contrôler la Baltique : l’Äpplet, le Kronan, le Scepter, le Göta Ark et donc le Vasa, qui doit devenir le fleuron de la flotte suédoise. C’est Henrik Hybertsson, constructeur d’origine néerlandaise qui est choisi pour diriger le chantier. Néanmoins, malgré son expérience, c’est la première fois de sa carrière qu’il va construire un navire aussi grand.

La construction du Vasa

La construction de l’imposant vaisseau se fait dans les chantiers navaux de Stockholm où près de 400 artisans (charpentiers, menuisiers, sculpteurs, peintres) travaillent d’arrache-pied. Cependant, de nombreux écueils viennent compliquer l’avancée des travaux. Lorsque la commande des cinq navires est lancée, la construction d’un premier vaisseau, plus petit que le Vasa, est entamée. Cependant, le roi souhaite que le Vasa soit prioritaire. Résultat, afin de ne pas gaspiller de temps et d’argent, les constructeurs vont repartir du navire en construction et allonger sa quille de 8 mètres afin d’arriver à une longueur d’environ 70 mètres. Une modification qui ne sera pas sans conséquence.

Pour ne rien arranger, en mai 1627, Henrik Hybertsson décède de maladie et c’est son bras droit qui reprend la direction des travaux. Enfin, quelques semaines plus tard, des grèves éclatent pour cause de non-paiement des salaires et sont sévèrement réprimées. Il faut dire que l’argent manque puisque le coût engendré par le chantier est bien plus important que prévu. La principale raison de ces surcoût vient de Gustave II qui, bien qu’il ne visite le chantier qu’une seule fois en janvier 1628, a demandé de nombreuses modifications tout au long de l’avancée des travaux. On note notamment la volonté d’aligner 72 canons sur deux ponts au lieu des 36 initialement prévus (le Vasa sera finalement armé de 64 canons) ainsi que la somptueuse décoration du vaisseau inspirée des mythologies grecque, romaine et égyptienne mais aussi de personnages bibliques. 

Malgré ces péripéties, le navire est lancé le 10 août 1628. Pour cela, il est remorqué depuis son chantier naval pour être officiellement lancé à Stockholm devant plusieurs milliers de badauds qui se sont regroupés sur les quais. De nombreux ambassadeurs venus de toute l’Europe sont également présents pour admirer le départ du fleuron de la flotte suédoise. En revanche, Gustave II, toujours en campagne en Pologne, n’est pas présent. 

Après avoir levé l’ancre, le navire salue la foule d’une salve de canon et commence à s’éloigner des quais. Néanmoins, alors qu’il contourne l’île de Beckholen, une forte rafale de vent le fait s’incliner à bâbord et l’eau s’infiltre par les sabords inférieurs. L’eau s’infiltre alors rapidement dans le vaisseau qui coule en quelques minutes sous les yeux ébahis des spectateurs. Fort heureusement pour l’équipage, la catastrophe s’est déroulée à une centaine de mètres du rivage ce qui permettra de sauver une bonne partie de l’équipage. Finalement, sur les 130 personnes présentes à bord, une quarantaine mourront dans cette tragédie.

Enquête et repêchage

Le roi n’est mis au courant du désastre que deux semaines plus tard et rentre dans une colère noire. Il exige que l’on trouve et punisse les coupables. Le capitaine Söfring Hansson, commandant du Vasa, est alors arrêté. On suspecte des manquements dans les procédures, un mauvais arrimage des canons, voire même l’ivresse de l’équipage, mais la commission d’enquête ne trouve aucune preuve ou témoignage allant dans ce sens. Un autre homme, Henrik Hybertsson, aurait été également fait un coupable idéal, mais comme nous l’avons vu précédemment, le maître d’œuvre du chantier est mort durant les travaux et ne peut donc pas être condamné. 

Mais alors, qui est responsable de ce désastre ? Difficile de désigner un seul responsable, mais l’impatience et les exigences de Gustave II ont rendu la tâche bien difficile aux constructeurs du navire. Le poids supplémentaire des canons et de la décoration ainsi que l’ajout d’un pont sur une coque prévue pour un navire de petite taille ont eu un impact très négatif sur la stabilité d’un vaisseau dont le centre de gravité était beaucoup trop haut et le lestage insuffisant. Sur la fin des travaux, un test de stabilité mené en présence du vice-amiral Klas Fleming avait pourtant montré que le navire n’était pas stable, mais aucune action n’avait été entreprise pour corriger les défauts de conception.

Alors que l’enquête est clôturée, aucun coupable n’a été désigné et le désastre est qualifié d’acte de Dieu ce qui arrange tout le monde. Alors que le renflouement du navire est déjà évoqué à l’époque, il faudra attendre 1961 pour que le vaisseau réémerge hors de l’eau. Il est aujourd’hui exposé au musée Vasa qui a ouvert ses portes à Stockholm en 1990.

Voilà pour l’histoire du plus gros raté de l’histoire de la marine suédoise. Dites-moi ce que vous pensez de ce désastre et si cet article vous a plu, n’hésitez pas à réagir et à le partager sur les réseaux.