L’uniforme « bleu horizon » : comment s’est-il imposé

Bleu horizon

Comme nous l’avons vu dans le précédent article (voici le lien si vous ne l’avez pas lu : https://www.phenomenalteddies.com/luniforme-francais-de-1914-pourquoi-une-tenue-aussi-anachronique/), le soldat français est le seul de tous les belligérants à partir au combat en 1914 avec un uniforme haut en couleurs, car malgré de multiples études et propositions, la tenue rouge et bleu de 1870 reste la norme au sein de l’armée française. Néanmoins, lorsque la guerre commence, la visibilité du soldat français va rapidement poser problème. Ainsi, du 20 au 25 août 1914, ce sont près de 40 000 soldats français qui tombent sous les balles allemandes dont 27 000 pour la seule journée du 22 août 1914 (journée la plus meurtrière de l’histoire de France). Le doute n’est alors plus permis, l’uniforme français doit évoluer !

Des premières mesures d’urgence

Lorsque la mobilisation est proclamée le 2 août 1914, une première décision est prise par le ministère de la Guerre : l’adoption d’un bleu unique pour l’ensemble des uniformes de l’armée. Initialement, l’armée pensait adopter un drap tricolore composé de fils bleus, rouges et blancs. Néanmoins, deux obstacles vont s’opposer à cette idée. Premièrement, la teinture rouge utilisée est fabriquée en Allemagne, ce qui n’est pas vraiment pratique étant donné le contexte. Deuxièmement, la production de tels draps en période de guerre apparait trop complexe à mettre en œuvre d’un point de vue industriel. Le gouvernement va alors se tourner vers la société Balsan qui propose un drap composé de fibres bleues et blanches qui sera adopté le 17 août 1914 par le ministre de la Guerre Adolphe Messimy.

Sur le terrain, d’autres changements interviennent rapidement. Ainsi, le képi rouge est jugé trop voyant et une première solution intermédiaire est trouvé : l’adoption d’un couvre-képi de couleur bleu qui permettra au soldat français d’être plus discret. Néanmoins, cette solution n’est que temporaire et dès septembre 1914, des képis sont fabriqués directement en bleu.

Une priorité : protéger (enfin) le soldat

Si le bleu est effectivement plus discret que le rouge, le képi, n’offre pas pour autant une grande protection, les ¾ des blessures concernant la tête des soldats français. Louis Adrian, ingénieur et intendant militaire, va alors proposer en décembre 1914 une calotte d’acier qui enveloppera la partie supérieure du crâne : ce sera la cervelière. Alors que les premiers modèles sont livrés en février 1915, cette première protection est rapidement remplacée en septembre de la même année par un modèle beaucoup plus protecteur : le casque Adrian (du nom de l’intendant qui les a commandé auprès de l’établissement Japy). Alors que les premiers modèles sont déjà utilisés pour les offensives en Champagne, ce sont près de trois millions de casques qui seront distribués aux soldats français d’ici la fin de l’année 1915. Si le casque apporte une protection appréciable au soldat, un détail (qui n’en est pas un) va toutefois se révéler problématique : la peinture utilisée reflète fortement les rayons du soleil rendant les soldats facilement repérables, une fois de plus. Il faudra attendre 1916 pour que des couvre-casques soient livrés avant, enfin, de changer la peinture utilisée.

D’un autre côté, le modèle de l’uniforme évolue également. Néanmoins, les difficultés d’approvisionnement et de fabrication font que les uniformes français sont très hétéroclites. L’un d’eux est proposée en septembre 1914 par le couturier Paul Poiret qui créé une capote ¾ taillée en une seule pièce. Ce modèle simple à la coupe droite et possédant une rangée de six boutons permet ainsi d’économiser du tissu et du temps de travail (donc de la main d’œuvre). Cependant, si cet uniforme est pratique, il est aussi trop froid, surtout en automne-hiver et de nombreux soldats tombent malade. Ainsi, alors que la tuberculose se propage, un modèle croisé (deux rangées de boutons) plus chaud est proposé en 1915, mais il faudra attendre le milieu de l’année 1916 pour qu’il soit diffusé aux troupes.

Enfin, difficile de parler de la Première Guerre Mondiale sans évoquer l’utilisation d’armes chimiques. Ainsi, le 22 avril 1915, l’Allemagne lance une première attaque massive aux gaz sur le secteur d’Ypres en Belgique et près d’un millier de soldats français sont tués. Dans les mois qui suivent, les attaques de ce type se multiplient dans les deux camps. Le commandement français prend alors conscience du danger de cette nouvelle arme mais les premiers moyens de protection sont rudimentaires et artisanaux avec l’emploi de baillons imbibés d’hyposulfite et de lunettes de protection pas toujours étanches. Il faudra finalement attendre décembre 1916 pour qu’un véritable premier masque à gaz soit distribué aux soldats. Néanmoins, suite à l’apparition du terrible gaz moutarde, un nouveau modèle est produit et distribué début 1918 et sera progressivement amélioré jusqu’à la fin du conflit.

Les derniers mois du conflit et l’après-guerre

En 1918, le ministère de la Guerre entame une réflexion au sujet du casque Adrian jugé pas assez protecteur et sa production est arrêté le 17 octobre 1918. L’utilisation d’un nouveau modèle en acier au manganèse est alors décidée le 6 novembre 1918, cinq jours avant l’armistice.

D’un autre côté, la couleur de l’uniforme est, une fois de plus, remise en question. D’un côté, le bleu horizon est le symbole des poilus qui ont combattu durant la Grande Guerre, de l’autre, cette couleur salissante et instable ne répond pas vraiment aux impératifs du camouflage. C’est donc assez logiquement que l’armée va adopter une nouvelle couleur d’uniforme le 26 octobre 1921. Dorénavant, la tenue française sera couleur kaki, une teinte qui sera encore utilisé lors du déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale. Néanmoins, en raison des importants stocks de draps bleu horizon, cette teinte sera encore utilisée durant l’entre-deux guerres par certaines unités. En 1940, durant la bataille de France, certaines unités utiliseront encore les uniformes bleu horizon notamment dans la tristement célèbre ligne Maginot.

Enfin, le 1er février 2021, le 4e bataillon de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr est transformé en École militaire des aspirants de Coëtquidan. Afin de rendre hommage aux soldats et officiers de réserve qui furent mobilisés lors du premier conflit mondial, c’est un grand uniforme « bleu horion » qui est choisi pour les élèves de l’école.

C’est tout pour aujourd’hui, si l’article vous a plu, n’hésitez pas à le partager sur les réseaux ! En attendant, je vous dis à bientôt 😉